Notre lettre 1309 publiée le 26 novembre 2025

LETTRE OUVERTE DE MGR BUX AU CARDINAL CUPICH :

« LA LITURGIE EXPRIME LE SACRÉ,

CE N'EST PAS UNE REPRÉSENTATION THÉATRALE »

UN ARTICLE PUBLIÉ DANS
INFOVATICANA
DU 19 NOVEMBRE 2025

Le prêtre et théologien italien Nicola Bux, consultant en matière liturgique sous les pontificats de Benoît XVI et François, a publié une lettre ouverte adressée au cardinal Blase Cupich, archevêque de Chicago, dans laquelle il réfute ses récentes critiques à l'égard de la messe traditionnelle. La lettre, publiée le 18 novembre par Edward Pentin, défend la validité et l'importance de l'usus antiquior comme expression de l'identité profonde de l'Église.

Pour replacer un peu le contexte, cette lettre est une réponse à la réflexion de Cupich sur l'exhortation apostolique Dilexit te de Léon XIV, dans laquelle le cardinal réduit la solennité de la messe à une assemblée fraternelle qui peut être partagée avec les plus pauvres. Pour Cupich, la messe traditionnelle serait plutôt un spectacle influencé par les éléments des cours impériales et royales voici la citation de sa réflexion : « La réforme liturgique a bénéficié de la recherche académique sur les ressources liturgiques, identifiant ces adaptations, introduites au fil du temps, qui incorporaient des éléments des cours impériales et royales. Cette recherche a clairement montré que bon nombre de ces adaptations avaient transformé l'esthétique et la signification de la liturgie, faisant de celle-ci davantage un spectacle qu'une participation active de tous les baptisés afin qu'ils se forment pour s'unir à l'action salvatrice du Christ crucifié. En purifiant la liturgie de ces adaptations, l'objectif était de permettre à la liturgie de soutenir le sens renouvelé que l'Église avait d'elle-même. »

C'est ainsi que Mgr Bux place sa réflexion dans une perspective théologique : la liturgie, affirme-t-il, n'est ni un exercice esthétique ni une animation communautaire, mais la manifestation publique du culte dû à Dieu, une réalité que les chrétiens ont maintenue même face aux persécutions. C'est pourquoi il rejette l'idée que le Concile Vatican II ait demandé une liturgie « pauvre » ou banalisée, et rappelle que la « noble simplicité » demandée par Sacrosanctum Concilium fait référence à la clarté rituelle, et non à l'appauvrissement du culte.


La beauté du culte comme signe de la majesté divine

Mgr Nicola Bux rappelle que tant l'Orient que l'Occident ont compris depuis l'Antiquité que la liturgie possède une qualité « royale », car elle exprime que seul Dieu mérite d'être adoré. Il cite même saint François d'Assise qui, loin de prôner un culte dépouillé, demandait que les meilleurs ornements et vases sacrés soient utilisés lors de la messe.


Participation active : entrer dans le mystère, ne pas copier le monde

Dans sa lettre, le théologien reprend la notion conciliaire de « participation active », qu'il décrit comme une entrée dans le Mystère par la prière et les rites, dans la continuité de saint Thomas d'Aquin. Il critique en revanche la tendance à confondre participation et spectacle ou animation.

Il cite une réflexion de l'ancien prêtre Robert Prevost — aujourd'hui le pape Léon XIV — prononcée en 2012, dans laquelle il affirmait qu'évangéliser aujourd'hui implique de réorienter l'attention du public du spectacle vers le mystère. Selon Nicola Bux, c'est précisément ce que permet la liturgie traditionnelle.


Avertissement concernant les « déformations » du novus ordo

Le prêtre invite le cardinal Cupich à se souvenir de ce que Benoît XVI a décrit comme des « déformations à la limite du supportable » présentes dans certains contextes liturgiques postérieurs au Concile : applaudissements, danses et éléments impropres au culte, déjà dénoncés par saint Cyprien. C'est pourquoi il soutient que la liturgie doit conserver son caractère solennel et apologétique, capable d'inciter à la conversion.


VOICI LE TEXTE INTÉGRAL DE LA LETTRE

DE MGR NICOLA BUX

AU CARDINAL CUPICH

 

À Son Éminence le cardinal Blase Cupich

Votre Éminence,

« Car je pense que Dieu nous a exposés, nous les apôtres, comme les derniers de tous, comme des condamnés à mort ; car nous sommes devenus un spectacle pour le monde, pour les anges et pour les hommes » (1 Co 4, 9). Cette affirmation de l'Apôtre décrit l'identité du christianisme, tant comme proclamation de l'Évangile que comme culte public de l'Église. En nous concentrant sur ce dernier point, on peut dire à juste titre que la liturgie est le spectacle offert au monde par ceux qui adorent le Christ, seul Seigneur du cosmos et de l'histoire, auquel ils appartiennent et non au monde. C'est ce que rappelle l'expression « service liturgique », qui est vraiment appropriée — contrairement au terme « animation », actuellement en vogue —, comme si le culte n'était pas déjà animé par Jésus-Christ et par l'Esprit Saint.

Il n'est pas vrai que le Concile Vatican II ait souhaité une liturgie pauvre, puisqu'il demande que « les rites resplendissent d'une noble simplicité » (Constitution sur la liturgie, 34), car ils doivent parler de la majesté de Dieu, qui est la noblesse même de la beauté, et non de banalités mondaines. L'Église l'a compris ainsi dès le début, tant en Orient qu'en Occident. Même saint François a prescrit l'utilisation des toiles et des vases les plus précieux dans le culte.

Qu'est-ce donc que la « participation » des fidèles, si ce n'est faire partie et prendre part au « spectacle » d'une foi qui affirme Dieu et, par conséquent, défie le monde et ses spectacles profanes, qui sont vraiment spectaculaires : pensons aux méga-conférences et aux concerts de rock ? La liturgie exprime le sacré, c'est-à-dire la présence de Dieu ; ce n'est pas une représentation théâtrale. La participation souhaitée par le dernier Concile doit être pleine, consciente, active et fructueuse (ibid. 11 et 14), c'est-à-dire une « mystagogie », une entrée dans le Mystère qui se fait per preces et ritus [par des prières et des rites], qui, comme nous le rappelle saint Thomas, doit nous élever autant que possible vers la vérité et la beauté divines (quantum potes tantum aude) ; ou, selon les mots du père Robert F. Prevost : « Notre mission est d'initier les gens à la nature du mystère comme antidote au spectacle."

Par conséquent, l'évangélisation dans le monde moderne doit trouver les moyens appropriés pour réorienter l'attention du public, en la déplaçant du spectacle vers le mystère » (11 mai 2012). L'usus antiquior du rite romain remplit cette fonction ; sinon, il n'aurait pas pu résister à la sécularisation du sacré qui s'est introduite dans la liturgie romaine, au point de faire croire aux gens que le Concile lui-même le voulait ainsi. Telle est l'identité et la mission de l'Église.

Enfin, Éminence, je vous invite à considérer que la liturgie, depuis l'Antiquité, était solennelle afin de convertir beaucoup de gens à la foi, et que pour cette raison, elle doit également avoir une valeur apologétique et ne pas imiter les modes du monde, comme nous le rappelle saint Cyprien (applaudissements, danses, etc.), jusqu'aux « déformations à la limite du supportable » qui sont entrées dans le novus ordo, comme l'a observé Benoît XVI. Telle est l'authenticité de la « liturgie sacrée » ; tel est l'ars celebrandi, comme le montre l'offertoire de la messe, qui est réalisé pour les besoins du culte et pour les pauvres.

C'est pourquoi, Éminence, je vous demande d'engager un dialogue synodal pour le bien de l'unité ecclésiale !

Dans le Seigneur Jésus,

P. Nicola Bux

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