Notre lettre 1050 publiée le 11 juin 2024

MGR AERTS (BRUGES),
OU LE CATHOLICISME FLAMAND
EN VOIE DE DISPARITION

1ère partie : « Je ne veux pas m'identifier à l'Église du passé »



La récente réduction à l’état laïc de l’ancien évêque de Bruges, Mgr Roger Vangheluwe, convaincu d’avoir abusé de son neveu, a braqué les projecteurs sur ce malheureux diocèse de Bruges qui agonise sous la conduite de Mgr Lode Aerts.

Il y a succédé en 2016 à Mgr Jozef de Kesel. Bien moins connu que les cardinaux Danneels et que Mgr de Kesel, ou encore que Mgr Bonny, d'Anvers (nos Lettres du 14 et du 19 mars dernier), il est cependant la quintessence du conciliarisme belge.

Lodewijk (dit Lode) Aertz, est né le 2 octobre 1959 à Grammont (Belgique). Séminaire à Gand, prêtre en 1984, docteur en théologie de l'Université pontificale grégorienne – théologie biblique –, il professe au séminaire de Gand, est chargé de la pastorale de la jeunesse, des vocations, de l'éducation et de la formation (il est d’ailleurs l'auteur de plusieurs livres, publiés par les éditeurs Halewijn : Quand l'église écoute les jeunes, 2003 ; Boire à la source. Le goût de la foi chrétienne , 2012 ; Avec un nom et un visage. Dynamique de la foi biblique, 2016).


Un « Kesel boy »

Ce spécialiste de la pastorale des jeunes et de l'enseignement aux séminaristes prend en charge un diocèse qui se déchristianise, comme le reste de la Belgique, les jeunes se désintéressant complètement de la pratique religieuse. Dans un diocèse de la catholique Flandre, parmi les plus féconds en prêtres et missionnaires avant le Concile Vatican II, il ne reste plus qu'une poignée de séminaristes, regroupés à Louvain dans le séminaire interdiocésain flamand.

Il affirme à son installation se réclamer de Mgr Gaillot et vouloir « réveiller l'Église bourgeoise endormie ». Et pourtant, il démet de sa charge un prêtre très Gaillot, l’abbé Luk Brutin qui vend des pizzas en pleine messe ou met une veste de cuir pour aller bénir des motards.

Cet évêque est pourtant promis à un grand avenir et finira peut-être cardinal d'une église catholique belge dont l'assistance dominicale régulière tiendra bientôt toute entière dans la cathédrale de Bruxelles (114 mètres de long, 54 mètres de large), flamands et wallons séparés évidemment, de part et d'autre de la nef…

Bien qu'il soit prédestiné pour être mis à la tête du diocèse de Gand, c'est à Bruges qu'il est nommé, puisque le cardinal Jozef de Kesel impose celui que la presse belge qualifie alors de « Kesel boy », comme successeur. Il est aussi adoubé aussi par le pilier de la « mafia de Saint-Gall », le cardinal Danneels.

Comme l'écrit Cathobel lors de son installation, « le nom de ce jeune pilier du diocèse voisin de Gand circulait depuis longtemps, et il possède toutes les qualités requises pour assumer cette tâche aux yeux du primat de l’Église de Belgique, son ami et mentor Jozef de Kesel. Mais surprise tout de même, car Lode Aerts venait d'être nommé doyen de la ville de Gand, en août dernier, fonction essentielle dans la réforme des doyennés que le diocèse de Gand vient d’achever. Rome aurait longtemps hésité avant d’envoyer Lode Aerts à Bruges, et le pape François n’a donc tranché que très récemment. »

L’acceptation de la sécularisation comme une grâce est identique à celle de son mentor Jozef de Kesel, comme lui spécialiste de la prédication à destination des jeunes : comme l'explique Cathobel, « à 34 ans à peine, Lode Aerts est nommé vicaire de la pastorale des jeunes du diocèse, dont le vicaire responsable de la formation n'était autre, à l’époque, que Jozef de Kesel. "Leur conception de la place de l’Église dans le monde contemporain est fort parallèle", nous confie un collaborateur du service de la formation chrétienne du diocèse, dont Lode Aerts a été le responsable jusque très récemment. "Le monde occidental n’est plus chrétien en tant que tel. Ces hommes ne le déplorent pas. Ils nous appellent à ne pas vouloir reconquérir les positions perdues, mais à être résolument présents en tant que chrétiens dans la nouvelle réalité avec des approches pastorales adaptées à cette réalité. »

Celui qui était devenu le chanoine Aerts en 2002 a accompagné la pastorale des jeunes en Flandre pendant de nombreuses années, pastorale dont le centre interdiocésain flamand -"IJD-Jongerenpastoraal Vlaanderen" - est situé à Gand.

Les inspirations de Mgr Aerts – et probablement de son mentor – sont en fait barthiennes : « La base de ces nouvelles approches, c’est l’annonce de l’Évangile de Jésus Christ, dans toute sa singularité. Pour Lode Aerts et d'autres "christocentristes", fort inspirés entre autres par le théologien protestant suisse Karl Barth, l’Église n’est pas là où nous croyons qu’elle est, mais là où Dieu veut qu’elle soit. "Cela implique que nous ne devons pas essayer de reconstruire l’Église sur les ruines du christianisme d’antan. La seule attitude réellement évangélique est celle de l’annonce de la vie, la mort et la résurrection du Christ, car seule cette résurrection nous offre – toujours! – de nouvelles perspectives!. »

Comme le rappelle à son tour la Libre Belgique à l'automne 2016, l'archevêque Jozef de Kesel a précisé qu’il était "un bon théologien qui communique bien". Il a aussi rendu hommage à ses compétences pastorales qu’il a exercées à bien des niveaux dans l’Église et à son expertise dans la gestion d’un diocèse. Mais par dessus tout,"c’est un homme fondamentalement bon qui a un grand cœur et qui est très accessible". Un profil qui ressemble à s’y méprendre à celui que le pape veut pour ses évêques. Plutôt Danneels et de Kesel que Léonard. » Ce pauvre Léonard, réfugié dans le diocèse de Gap, dont plus personne ne parle


« Je suis heureux de vivre dans une société et une culture modernes et pluralistes »

Il est le type même des évêques ralliés, qui ont abandonné toute idée, même lointaine de chrétienté. Lors de son installation, la Libre Belgique relève sa réponse au sujet de son positionnement idéologique : « "Quand on lui a demandé s'il appartenait au camp progressiste, Aerts a répondu : 'Il est vrai que je ne veux pas m'identifier à l'Église du passé. Je suis heureux de vivre dans une société et une culture modernes et pluralistes. C'est aussi un moment où vous pouvez voir exactement ce que la foi peut faire. Aerts estime que l'Église peut encore progresser en « donnant plus de responsabilités aux femmes dans l'institution ecclésiale. »

L’Église ne revendique aucun monopole ! « Que signifie vivre ensemble aujourd'hui ? » s'est demandé Aerts. « Vivre ensemble avec d'autres ne signifie certainement plus exprimer son opinion ou imposer sa volonté. sur les autres. Nous n'avons pas le monopole d'un projet de société. Qu'est-ce que cela signifie ? Regarder le monde avec un esprit ouvert et donner aux autres un signe ouvert, libre et invitant. J'ai appris cela en travaillant beaucoup avec les jeunes. »

La mission ? Ne pas avoir honte d’être chrétien, c’est tout. Lors de sa conférence de presse d'installation, relayée par Kerknet le 5 octobre 2016, il déclare : « Personne n'est obligé de croire. Le respect des convictions peut aller de pair avec une audace sans complexe. Il n'est pas bon que les chrétiens s'imposent. Mais ils n’ont pas non plus à avoir honte. La foi, en ce qui me concerne, est la meilleure chose qui ne me soit jamais arrivée. C'est l'expérience que Dieu m'accepte tel que je suis, que je n'ai pas à prétendre devant lui que je suis meilleur que je ne suis, qu'il traverse la vie avec moi et que sa main ne me laisse jamais tomber. »

Refuser le prosélytisme et l'Église du passé, soit, mais que propose-t-il ? L'évolution du nombre de prêtres du diocèse de Bruges, jadis un des plus florissants de l'Église belge et un de ceux, au monde, qui a donné le plus de missionnaires par rapport à sa population (comme les diocèses de Viviers, de Rodez, de Bretagne en France), permet de constater que Mgr de Kesel comme Mgr Aerts s’accommode du vide.

En Flandre, le nombre de prêtres a diminué de plus de moitié au cours du dernier quart de siècle, depuis 1990. En 1990, il y avait 4.689 prêtres diocésains dans les diocèses flamands, en 2014 ils étaient 2.211. Le diocèse de Bruges est passé de 1 028 prêtres en 1990 à 661 en 2010 et 561 en 2014 ; il compte 414 prêtres en 2019 et 378 en 2022.

En 2022 toujours, d'après l'annuaire diocésain, « 8 prêtres ont moins de 40 ans, 16 prêtres ont entre 40 et 49 ans, 10 prêtres ont 50 ans ou plus de 50 ans »

En 2030 d'après les estimations de Church & Life, le diocèse passera de 130 prêtres actifs (en 2020) à 78, et encore s'agit-il d'une estimation optimiste, d'après Wim Vandewiele, sociologue des religions à la KU Leuven : « Ces chiffres ne tiennent pas compte de l'âge moyen élevé du clergé et du risque donc plus élevé de maladie et de décès. Ils montrent clairement que l'Église en Flandre est dans une crise systémique. »


***


Un symbole fort : Lode Aerts, qui avait été chargé de la pastorale des jeunes et des vocations dans son diocèse de Gand et qui avait été enseignant de théologie dogmatique dans le séminaire diocésain, voit la fermeture de celui-ci en 2006 et le regroupement de la formation des diocèses flamands, sauf Bruges (jusqu'en 2017) à Louvain.

Et à Bruges, comme sous de Kesel, le vide : « Entre 1999 et 2021, il y a eu 8 années sans ordination », relève un prêtre diocésain âgé de 46 ans en 2022. « Il y a actuellement 3 séminaristes dans les trois premières années de formation sacerdotale. Il n'y aura donc pas d'ordinations sacerdotales dans les quatre prochaines années... On recherche de toute urgence : des ouvriers pour travailler pour Dieu ! »

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