Notre lettre 795 publiée le 3 mai 2021

LES ETONNANTS RESULTATS DE NOTRE SONDAGE SUR LA DEMANDE DE LA MESSE TRADITIONNELLE AUX ETATS-UNIS

HUITIEME VOLET DE NOTRE ENQUETE SUR LA TRADITION CATHOLIQUE AUX USA


Paix Liturgique : Cher Daniel nous entamons aujourd’hui la partie finale de notre enquête sur la Tradition aux États-Unis. Nous allons parler du sondage que nous avons commandé au sujet de la mesure Du désir qu’ont les catholiques américains à la liturgie traditionnelle. Les résultats sont étonnants !

Daniel Hamiche : Et revenons d’abord à la motivation du lancement de l’enquête que nous clôturons et pour laquelle vous m’avez sollicité il y a déjà un moment. 


Paix Liturgique : En effet car il est nécessaire de rappeler l’historique de cette entreprise qui a pour origine la demande que le Cardinal Raymond Burke formula lors de son intervention durant la Rencontre Summorum Pontificum d’octobre 2018 à la veille du septième pèlerinage romain du Cœtus Internationalis Summorum Pontificum «  Il  me semble nécessaire que l’entreprise d’interrogation du peuple catholique que vous avez entreprise depuis longtemps  par vos sondages soit étendue aux États-Unis, car je pense que cela nous donnerait beaucoup d’informations utiles sur celui-ci… »

Daniel Hamiche : Et comment aviez-vous répondu à cette sollicitation ?


Paix Liturgique : Le plus vite que nous avons pu, c’est-à-dire moins de six mois après cet appel, car le sondage dont nous allons parler aujourd’hui a été réalisé entre 30 janvier et le 16 février 2019.

Daniel Hamiche : Comment aviez-vous fait ? 


Paix Liturgique : Comme d’habitude dirais-je ; c’est-à-dire que nous nous sommes adressés à un organisme habilité qui a recherché des sous-traitants américains ayant l’expertise du panel (Lucid) et de la réalisation (Made in survey group). Hormis notre ami le cardinal Burke, vous avez été le premier à qui nous avons remis ce document très enrichissant.

Daniel Hamiche : Et si riche d’informations que vous m’avez demandé d’en rédiger l’introduction.


Paix Liturgique : Ce qui petit à petit a donné naissance à un document plus complet, à savoir l’enquête dont nous publions aujourd’hui le VIIIème volet que vous avez eu le talent de réaliser.

Daniel Hamiche : Avec l’aide de nombreux amis qui ont eu la gentillesse de m’aider car, déjà à ce moment, je commençais à être bien fatigué [notre ami Daniel Hamiche est décédé le 29 novembre 2020, c’est-à-dire bien avant la publication de ce dossier].


Paix Liturgique : Alors présentez-nous les résultats de ce sondage.

Daniel Hamiche : Il est, dès ses premières lignes, plein de surprises. Comme pour tous vos sondages qui s’intéressent aux réactions des catholiques, il s’agit d’abord de constituer l’échantillon, le panel comme on dit, des personnes qui se déclarent comme « catholiques » et là apparut mon premier étonnement.


Paix Liturgique : C’est-à-dire ?

Daniel Hamiche : Je vous ai dit que les catholiques représentaient environ 25 % des Américains. Hors, près de 45 % des personnes sondées se reconnaissent spontanément comme catholiques, ce qui par beaucoup d’aspects semble incohérent. Mais à vrai dire pas tout à fait et il existe plusieurs explications « possibles ». 

La première est que nous ne sommes pas dans le cadre d’une enquête scientifique mais d’un sondage et que dans une intervention de ce type l’on ne demande pas aux personnes sondées si elles sont catholiques mais si elles se considèrent comme catholiques. De ce fait il peut y avoir une proportion non négligeable de personnes (et nous y reviendrons plus tard) qui sans être réellement catholiques ont pu se considérer comme l’étant notamment en ne faisant pas de réelles distinctions «  ecclésiales ».


Paix Liturgique : Mais c’est incroyable.

Daniel Hamiche : Pas tout à fait et d’ailleurs vous aviez été confronté à la même situation lorsque vous avez réalisé votre sondage en Corée au début de l’année 2019 où vous aviez-vu que bon nombre de coréens protestants voire confucéens s’étaient considérés comme « catholiques » alors qu’ils ne l’étaient pas institutionnellement.


Paix Liturgique : Est-ce si exceptionnel ?

Daniel Hamiche : Pas vraiment et plusieurs chroniqueurs avaient évoqué cette question lors de la venue du Pape François en Corée en 2014 où la presse avait été surpris que le Saint-Père attire lors de ses rencontres et cérémonies un grand nombre de fidèles, spécialement des jeunes, qui bien que non catholiques s’étaient laissé enthousiasmer par cette venue.


Paix Liturgique : Spécialement des jeunes dites-vous ?

Daniel Hamiche : Oui spécialement des jeunes, un phénomène que l’on retrouve lors du sondage américain où il apparait que ceux sont les jeunes qui se considèrent le plus comme « catholiques » alors que chez les seniors l’on reste dans des proportions non seulement « traditionnelles » mais souvent inferieures à celle-ci.


Paix Liturgique : Comment l’expliquez-vous ?

Daniel Hamiche : Partout dans le monde les Églises perdent de leur audience et de leur proximité avec les hommes de ce fait un grand nombre de personnes, tout en se considérant toujours comme « chrétiennes » ne voient plus les différences qui, il y a deux générations, étaient fondamentales. Dans les rapports inter-ecclésiaux, de ce fait, un grand nombre de chrétiens, lorsqu’ils sont confrontés à des phénomènes religieux : pèlerinages, cérémonies ou autres manifestations, ne font pas la différence. Cela a été sans doute le cas pour une proportion non négligeable de nos sondés.


Paix Liturgique : Cette question est donc close ?

Daniel Hamiche : Pas tout à fait car il reste à mettre sur la table les questions des latinos.


Paix Liturgique : Qu’entendez-vous par là ?

Daniel Hamiche : Celle de tous les latino-américains qui se trouvent aujourd’hui aux États-Unis et dont le nombre est sans doute très sous-évalué.


Paix Liturgique : Pourquoi ?

Daniel Hamiche : Pour deux raisons : la première, qui est la plus évidente, est celle de l’immigration clandestine qui depuis trente ans inonde les USA. Une immigration venue de Cuba et des Antilles puis des pays en guerre de l’Amérique centrale et désormais de toutes l’Amérique latine. Or, si’l est difficile d’entrer aux États-Unis il est a contrario assez facile d’y rester d’où une modification, sans doute pas si minime que cela, de la proportion réelle des catholiques aux États-Unis qui est en fait plus importante que les 25 %  « officiels ». Il reste un dernier point relatif aux mariages mixtes entre latinos et yankees dont les résultats en matière religieuse me semblent pencher davantage en faveur du catholicisme  qu’en faveur des Églises protestantes : souvenez-vous du cas du célèbre John Wayne un bon yankee qui finit sa vie comme catholique car il y avait été fortement incité par Pilar Pallete  son épouse mexicaine.

Voilà pourquoi un résultat plus important de sondés « se considérant comme catholiques » que le chiffre officiel ne me surprends pas.


Paix Liturgique : Abordons maintenant la seconde question « Assistez-vous à la messe… ? »

Daniel Hamiche : Les réponses sont très « américaines ».


Paix Liturgique : En effet et surprenantes pour nous.

Daniel Hamiche : Pour être précis les voilà :


Paix Liturgique : Les chiffres sont effectivement étonnants pour des Français.

Daniel Hamiche : Mais pas trop pour des Américains, car aux USA, comme je le disais précédemment, et surtout en province ou à la campagne, il n’est pas très bien vu de ne pas aller à l’office le dimanche. Et d’ailleurs vous noterez que ceux qui déclarent n’y aller « jamais » sont très peu nombreux : 10 % et encore cette proportions est bien plus importante pour le seniors que pour les jeunes.


Paix Liturgique : Les jeunes pratiqueraient davantage que les seniors ?

Daniel Hamiche : C’est un phénomène déjà ancien aux États-Unis que celui des retours à la foi et à l’Église et ici les chiffres le manifestent très nettement.


Paix Liturgique : C’est clair en effet.

Daniel Hamiche : Mais il y a un autre aspect très intéressant : c’est la pratique plus importante chez les hommes (et plus encore chez les jeunes) que chez les femmes. Je sais que cette remarque étonnera beaucoup en Europe. C’est une évolution qui bouscule nos schémas habituels, mais qui n’en est pas moins vraie. D’ailleurs j’aurai l’occasion de revenir un peu plus loin sur ce point.


Paix Liturgique : Nous en arrivons maintenant à la troisième question : « Connaissez-vous le motu proprio Summorum Pontificum ? »

Daniel Hamiche : Une nouvelle fois les réponses à cette question nous apportent de nombreuses réponses très intéressantes.

La première est qu’aux États-Unis les catholiques connaissent mieux l’existence du motu proprio qu’en Europe. Nous avons signalé précédemment que, dans l’ensemble, le corps épiscopal américain était plutôt pragmatique et n’avait pas fait d’obstruction systématique, à la manière de beaucoup d’évêques européens, qui d’ailleurs continuent cette obstruction … Et puis la pratique religieuse étant plus importante que chez nous, il apparait comme assez normal que les fidèles soient davantage et bien plus que chez nous au courant des affaires de l’Église.

Secondement nous devons lire ces réponses dans le cadre entier de l’histoire du mouvement traditionnel aux USA. Nous y avions constaté que les réactions anciennes aux errements du concile avaient été modestes, mais qu’elles avaient pris de l’importance à l’occasion de la publication du MP. Nous en voyons ici l’effet.



Paix Liturgique : En effet : 72.2 % des catholiques pratiquants ayant connaissance de l’existence du MP, c’est considérable.

Daniel Hamiche : Et je dois souligner qu’une nouvelle fois se sont encore les hommes et aussi les plus jeunes qui en plus grand nombre connaissent l’existence du MP. Cela permet aussi d’appréhender le rôle majeur d’Internet qui touche aujourd’hui en totalité le monde américain.


Paix Liturgique : Mais pourquoi les hommes davantage que les femmes ?

Daniel Hamiche : Je ne saurais parfaitement vous dire, bien que j’aie quelques idées.

La question de la Tradition et de la liturgie en particulier est, également aux USA, un combat, même si celui-ci s’apaise. Peut-être les hommes sont-ils plus combatifs, bien que je connaisse beaucoup de dames qui le sont extrêmement !

En tous cas relevons que nous nous éloignons tout à fait de la caricature d’une présentation d’un catholicisme n’intéressant que les vieilles dames…  Nous faisons le constat que la renaissance catholique aux États Unis est plus jeune et plus masculine qu’ailleurs. 


Paix Liturgique : Abordons maintenait la quatrième question qui est en fait la première un peu sensible : « Selon vous, célébrer régulièrement les deux formes liturgiques (celle moderne en anglais et celle traditionnelle en latin et grégorien) dans votre paroisse serait normal ou pas normal ? »

Daniel Hamiche : … Je vous l’ai déjà dit, et ces résultats le prouvent : les Américains trouvent normal ce genre de situation, comme d’ailleurs presque partout, d’une manière très majoritaire.



Puisque plus de 72.7 % des catholiques pratiquants trouvent cette situation « normale », alors que seulement 9.4 % d’entre eux ne le trouve pas et que 18 % ne se prononcent pas ce qui est déjà une forme de réponse « libérale ».


Paix Liturgique : Reste la dernière question, sans doute la plus importante : « Si la messe était célébrée en latin et grégorien sous sa forme traditionnelle dans votre paroisse, sans se substituer à celle dite moderne en français, vous y assisteriez… ? ».

Daniel Hamiche : C’est une coupe délicieuse que vous me faites boire car les chiffres sont délicieux !

41.5 % des catholiques pratiquants iraient volontiers chaque dimanche (plus 30.5 % une à deux fois par mois) et seulement moins de 6.5 % n’iraient jamais ! Vous avez là, présenté en quelques chiffres, tout le futur de l’Amérique catholique ! Et la clef de lecture de l’incroyable développement de la tradition aux États-Unis jusqu’à maintenant, et son probable développement dans la décade à venir : Deo gratias, si je dois mourir ce sera heureux à l’idée de voir ce beau pays revenir au catholicisme de ses aïeux !


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